Repos forcé ou contrôle surprise ? En France, l’arrêt maladie ne garantit plus l’intimité du domicile. Face à l’envolée de l’absentéisme, certaines entreprises n’hésitent plus à envoyer un commissaire de justice directement chez leurs salariés malades. Une mesure qui interroge sur l’évolution du lien de confiance au travail.
Une porte qui s’ouvre… sur un commissaire de justice
Il est 10h, vous êtes en arrêt de travail, installé chez vous en peignoir. On sonne. Ce n’est ni le facteur ni un voisin, mais un commissaire de justice mandaté par votre employeur. Son rôle ? Vérifier que vous êtes bien là, dans le créneau horaire imposé.
Cette scène, encore rare il y a quelques années, devient progressivement une réalité pour de nombreux salariés. Et pour cause : les arrêts maladie dans le secteur privé ont explosé de 41 % depuis 2019, selon AXA France.
Contrôler… faute de solution durable
Derrière ces visites, l’intention est claire : lutter contre les arrêts jugés abusifs. Et avec la baisse des indemnités journalières entrée en vigueur le 1er avril 2025, les employeurs veulent éviter de financer un maintien de salaire s’il est injustifié.
Le contrôle médical classique, jugé peu concluant et difficile à mettre en œuvre, laisse ainsi place à une contre-visite administrative, plus simple, plus rapide… et bien plus intrusive.
Grâce à des outils comme contrevisiteenligne.com, les entreprises organisent en quelques clics l’intervention d’un huissier, sans contact avec un médecin.
Comprendre les règles invisibles de l’arrêt maladie
Tous les arrêts ne se ressemblent pas. Ce que beaucoup ignorent, c’est que les obligations de présence à domicile varient selon trois régimes :
- Présence partielle (obligatoire de 9h à 11h et de 14h à 16h)
- Présence continue (interdiction de sortir)
- Sorties libres, uniquement si le médecin le justifie clairement
Mais attention : sans mention explicite du troisième cas, c’est le premier qui s’applique automatiquement. Et dans ce cas, une sortie pour aller chercher du pain peut coûter cher.
70 % des contrôles débouchent sur une absence
Les chiffres parlent : dans 7 cas sur 10, le salarié contrôlé n’est pas à son domicile au moment de la visite. Cela peut être une erreur d’interprétation, un oubli… ou un abus. Mais ces visites sont ciblées, insiste Olivier Garand :
« Il faut prendre avec des pincettes ce chiffre de 70 %. Les contrôles ne sont pas systématiques, mais ciblés sur les profils qui présentent de sérieux doutes. Ce n’est pas une solution de management durable ! »
Derrière la porte : la défiance
Ce phénomène illustre un climat de méfiance croissante entre employeurs et salariés. La crise du Covid, l’essor du télétravail, l’accroissement de la charge mentale et des troubles psychologiques au travail ont profondément modifié la relation professionnelle.
La CGT, de son côté, dénonce une chasse à la fraude sociale démesurée, pour un phénomène qu’elle juge marginal.
Une réponse autoritaire à une souffrance réelle ?
Le vrai problème se trouve peut-être ailleurs. Fatigue chronique, burn-out, charge mentale… les arrêts pour motif psychologique se multiplient, tout en étant les plus suspectés d’être fictifs.
Une tension qui illustre l’érosion progressive de la confiance dans un monde du travail de plus en plus exigeant… et de moins en moins tolérant à l’égard de la fragilité humaine.